Cela fait maintenant seize ans que je suis consultant SAP indépendant. D’autres consultants SAP, salariés de sociétés de conseil, me posent souvent des questions à ce sujet. Je vais donc répondre à tous ceux que ce sujet intéresse.
Je travaille sur SAP depuis l’an 2000. Et donc en vingt-trois années d’activité, je suis passé de consultant salarié de deux grands groupes de services informatiques à consultant indépendant. J’ai fait de nombreux projets pour des clients grands comptes en région parisienne.
Les gros projets tels qu’une montée de version en S/4HANA requièrent des équipes importantes et les grands comptes font appel aux sociétés de services informatiques, mais aussi à de nombreux consultants indépendants.
L’avantage d’être consultant dans une société de services informatiques est que l’on y apprend le métier, et que l’on n’a pas à chercher la prochaine mission puisque le service commercial s’en charge.
Une fois que l’expérience professionnelle est acquise, le consultant va naturellement vouloir une augmentation de salaire. Soit son entreprise a une bonne politique de gestion du développement personnel et sera force de proposition pour continuer à motiver son consultant, soit le consultant partira.
Quand un consultant est placé chez le même client depuis longtemps, il arrive souvent qu’il perde le lien avec son employeur et se retrouve plus attaché à l’équipe informatique de son client, avec qui il travaille toute la journée, qu’à l’équipe de sa propre entreprise. Ce détachement conduit souvent le consultant à limiter son intérêt pour son entreprise à sa seule rémunération. L’entretien annuel avec un chef de service, que vous croisez deux fois par an et qui ne vous connaît pas réellement, catalyse souvent des décisions de changement. L’une de ces décisions est de se mettre à son compte.
Quand on parle de travailleur indépendant, freelance, travailleur non salarié (TNS) il s’agit de consultants qui créent leur propre activité professionnelle, et donc deviennent leur propre employeur. Ces consultants vont proposer leurs services à des clients. Ces clients peuvent être des sociétés de services qui ne disposent pas de la ressource en interne et ont besoin d’un freelance pour une mission, ou des sociétés de placement en contact avec les plateaux SAP des clients finaux, ou bien les clients finaux eux-mêmes.
Qui dit « créer son entreprise » dit choisir le statut juridique de cette entreprise. Différents formats existent et nécessitent le conseil d’un spécialiste (en général un expert comptable) pour choisir avec pertinence son statut juridique.
Une fois que l’on est immatriculé, on peut vendre ses services et accepter des missions.
Consultant SAP indépendant : Qu’est-ce que cela signifie exactement ?
1- L’indépendance, c’est d’abord un état d’esprit. Il n’est pas rare de croiser des consultants SAP qui se mettent à leur compte et qui finalement réalisent que ce modèle ne leur convient pas. La raison évoquée est la recherche de mission, le manque de fibre commerciale, les lourdeurs administratives, la précarité. Donc votre conviction personnelle est le premier facteur à considérer.
2- Il faut évaluer ce que l’on veut vendre, c’est-à-dire ses compétences. Si hier vous avez rempli vos missions chez les clients sans problème, alors rien ne s’oppose à ce que vous continuiez demain, mais pour votre propre compte cette fois.
3- Votre autonomie au travail est un point essentiel. Personne n’est incollable sur les divers sujets que l’on doit traiter, mais il faut être curieux et efficace. Le salarié d’une ESN (Entreprise de Services Numériques) peut faire appel à son chef de service en cas de blocage et se faire aider par son équipe. Un freelance est seul (en théorie) d’où l’autonomie requise. Pourquoi en théorie ? parce qu’en réalité, sur un plateau SAP, on travaille aussi en équipe et on peut trouver de l’aide si nécessaire. Le réseau professionnel que vous tissez durant votre carrière est important.
4- il faut déterminer le prix de vente de votre prestation, que l’on appelle le Taux Journalier Moyen (TJM). Ce TJM varie selon votre expérience, et aussi le module SAP. La connaissance de modules plus rares que d’autres peut se vendre plus chère, mais par définition il y a moins de missions pour ces modules. Il sera donc plus sage de posséder des connaissances solides dans un module dit « classique », et si en plus vous maîtrisez une spécialité moins courante, c’est parfait. Votre valeur sur le marché est liée surtout à votre expérience donc ne bradez jamais ce que vous avez mis des années à acquérir. Les commerciaux qui lisent les CV savent exactement le prix auquel ils vont proposer votre prestation, et n’imaginez pas une seconde que ce prix baisse pour le client final.
5- Selon le statut juridique que vous aurez choisi pour votre structure, votre entreprise peut être imposée à l‘impôt sur le revenu (IR) ou à l’impôt sur les sociétés (IS)
Pour simplifier toutes ces démarches, des guichets uniques sont à votre disposition : les Centres de Formalités des Entreprises (CFE). Ce sont les interlocuteurs privilégiés dans les formalités de création. Ces CFE centralisent les pièces de votre dossier et les transmettent aux différents organismes concernés. C’est ensuite l’organisme destinataire qui contrôle la régularité des pièces et valide la déclaration.
Combien gagne un consultant SAP freelance ?
En général, un freelance gagne plus qu’un salarié de société de services, à expérience égale. C’est le seul critère dont on entend parler par les autres consultants quand ils ne sont pas indépendant, avec cette affirmation très classique « Tu es freelance alors tu es riche ! ». Prenons l’exemple d’un travailleur indépendant qui a plus de 10 ans d’expérience et qui facture 700 euros par jour.
L’année 2023 comptant 365 jours, pour avoir le même temps de repos qu’un salarié, il convient de soustraire : 9 jours fériés tombant un jour habituellement travaillé, 105 samedis et dimanches, 25 jours de congés payés, 12 jours de RTT. Nous obtenons ainsi un total de 214 jours travaillés en 2023.
Pour un chiffre d’affaires de 700 euros par jour, le freelance reverse environ 45% en charges et taxes diverses à l’État français. Donc au final cela fait 385 euros x 214 jours travaillés = 82390 euros net par an, soit 6865 euros net disponibles par mois. Sur cette somme, il faut payer aussi vos assurances (santé, ITT, RCP), le véhicule de société et son carburant, ou votre abonnement pour les transports en commun, votre matériel informatique, vos placements loi Madelin (pour constituer un complément de retraite), les honoraires du cabinet comptable et d’autres services ou besoin que vous déciderez. Tout cela vient diminuer le disponible de fin de mois. Ce qui nous ramène plus près du salaire d’un cadre salarié d’un grand groupe, sans les avantages du groupe en question.
Une donnée importante que les sapistes salariés oublient souvent est la précarité du travail indépendant. Si le marché devient difficile comme pendant la crise de 2003, puis 2008 ou la crise Covid, le freelance ne travaille pas. Et un travailleur indépendant ne peut pas toucher le chômage. Il faut donc faire attention à conserver de la trésorerie. De plus, par définition, nous travaillons à la mission, donc la démonstration chiffrée ci-dessus correspond à une année de travail pleine, sans inter-contrat.
Remarque : le portage salarial est une formule qui permet à un travailleur indépendant de prendre une mission avec les mêmes droits qu’un salarié, les droits au chômage en font donc partie. La société de portage s’occupe de convertir le statut du consultant en salarié de la société de portage.
Quelles sont les charges à prévoir pour un travailleur indépendant ?
Pour la santé : le travailleur indépendant a des droits ouverts à la sécurité sociale, et il souscrit une mutuelle de santé. Il souscrit aussi une assurance pour indemniser les jours non travaillés en cas d’incapacité (ITT).
Pour la retraite : Jusqu’en 2023, le travailleur indépendant cotisait à la caisse de retraite des travailleurs indépendants (CIPAV). Aujourd’hui, cette cotisation est appelée par l’URSSAF. La CIPAV continue néanmoins sa mission de gestion.
Pour les charges sociales : le travailleur indépendant verse des cotisations à l’URSSAF. Quand vous démarrez, votre revenu d’activité n’étant pas connu, le calcul des cotisations d’allocations familiales, d’assurance maladie, d’indemnités journalières, de la CSG–CRDS et de la Curps se fait sur une base forfaitaire. Ensuite ces cotisations sont calculées sur le revenu d’activité déclaré par votre comptable, déterminé par référence à celui soumis au calcul de l’impôt sur le revenu. La CSG–CRDS est calculée sur la base de ce même revenu auquel s’ajoutent les cotisations personnelles obligatoires.
La contribution aux unions régionales des professionnels de santé (Curps) est également calculée sur le revenu d’activité non salarié mais elle est limitée à 0,50 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 206 euros pour 2022. La contribution à la formation professionnelle est égale à 0,25 % du plafond annuel de la Sécurité sociale soit 103 euros pour 2022.
Pour les dépenses de fonctionnement : comme je le décris plus haut, on soustrait du chiffre d’affaires les charges de fonctionnement de l’entreprise, c’est-à-dire la rémunération, les cotisations URSSAF, l’impôt sur la société (sauf si vous avez choisi d’être imposé à l’IR) et diverses autres charges telles que le transport, le carburant, les assurances, le matériel informatique, etc. La liste n’est pas exhaustive. On serait tenté de tout « passer sur la boîte » comme on dit, mais attention car le trésor public liste précisément ce qui est faisable en fonction de votre activité. Le meilleur moyen de ne pas commettre d’erreur est de suivre les conseils du comptable.
Qu’est-ce qu’un intermédiaire de facturation ?
Le service des achats des clients finaux ne souhaite pas enregistrer des centaines de consultants SAP indépendants dans sa base fournisseurs. Donc ils listent quelques fournisseurs IT chargés de fournir les ressources externes nécessaires aux projets. Ensuite les consultants indépendants passent par ces fournisseurs enregistrés auprès des achats pour facturer leur prestation. Évidemment l’intermédiaire prélève généralement une marge de 5 à 20% sur la facturation finale au client.
Pour conclure :
L’indépendance est faite pour ceux qui sont prêt. Votre quotidien professionnel ne changera pas. Les missions SAP ne manquent pas donc l’activité est assurée. La part administrative que tant de personnes redoutent sera gérée par votre comptable et il vous en coûtera un jour de facturation par trimestre. Prenez rendez-vous avec un cabinet comptable pour avoir toutes les informations nécessaires. L’essentiel c’est de comprendre que vous êtes votre meilleur promoteur, donc ayez confiance en vous et votre potentiel.
Voir aussi :
Consultant indépendant, freelance : comment fixer son TJM (par Alessandra Le Roux, @Bloomco)
Devenir freelance en 2023 (par Guillaume Robez, independant.io)
Cet article a été rédigé le 01 mai 2023 par F.Gros, consultant freelance SAP FICO.